La conformité, une nouvelle contrainte dans la gestion des risques financiers ou une arme concurrentielle ?

Les politiques d’assouplissement monétaire menées par les principales banques centrales ces dernières années ont bouleversé les marchés de taux d’intérêt et les conditions de refinancement de nos entreprises. Nos multinationales ont pu se refinancer à faible coût, voire à taux d’intérêt négatifs, ont assaini leurs bilans et abaissé leurs taux moyens de refinancement, en même temps, qu’elles devaient aller chercher leur croissance dans des pays présentant des risques de contrepartie, de crédit et politique accrus, l’Europe de l’Ouest croulant sous l’endettement public et étant en panne de reprise.

En 2018, de retour à l’orthodoxie monétaire, plus ou moins timidement, les principales banques centrales se sont efforcées de nous redonner confiance. Avec manque de doigté ou un peu trop rapidement ? L’histoire nous le dira. En effet, le paysage géopolitique a changé. C’est probablement l’un des enjeux de nos multinationales pour les années à venir : comment adapter leurs modèles économiques à un échiquier politique international en mouvement incessant ? Comment adapter nos comportements de lutte contre la fraude, alors que les moyens employés en criminalité financière semblent évoluer plus rapidement que les méthodes d’investigations, dans le monde du cyber notamment ?

Le 1er juin 2017 entrait en application la loi Sapin II, dont l’objectif est de mettre à niveau le dispositif de lutte contre la corruption en France en l’adaptant aux standards des autres pays de l’OCDE, via la mise en place d’un système de prévention et le renforcement de la répression. Cette loi s’applique à tous les acteurs publics et privés, employant plus de 500 salariés et réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros. Simple riposte à l’extra-territorialité du droit américain ou, également, tentative de « faire le ménage » par nous-mêmes parmi les entreprises, les collectivités françaises sur les pratiques de corruption ayant encore cours ? En obligeant ces acteurs à sécuriser leur chaine d’approvisionnement et leur environnement, cette loi rayonne finalement bien au-delà du périmètre décrit ci-dessus. Cette loi devrait aussi permettre de répondre, en exportant notre droit, aux affaires de corruption ou de sanctions américaines pour violation d’embargos qui ont émaillé la dernière décennie et ont, au passage, renfloué une partie du déficit du Trésor américain. Le principe du non bis in idem, issu du droit romano-germanique, aura-t-il in fine le dessus sur le droit anglo-saxon dans la lutte mondiale contre la corruption ? Il est difficile de faire bouger les lignes, la lutte contre la corruption relevant notamment du régalien. Il faudra scruter dans les années à venir avec beaucoup d’attention les exemples de coopération de l’Agence Française Anti-Corruption (AFA) avec d’autres autorités anti-corruption étrangères, que ce soit avec le U.S. Department of Justice (DOJ) ou avec des autorités similaires. Première amorce : le 4 juin 2018, l’une des premières banques françaises, la Société Générale, annonçait officiellement être parvenue à des accords de principe avec le DOJ et la U.S. Commodity Futures Trading Commission (CFTC) mettant fin à leurs enquêtes relatives aux soumissions IBOR présentées par Société Générale (le « dossier IBOR »), et avec le DOJ et le Parquet National Financier (PNF) français mettant fin à leurs enquêtes relatives à certaines opérations avec des contreparties Libyennes (le « dossier Libyen »).

En même temps que nous avons vu naître de nouveaux enjeux avec un univers de plus en plus mobile et interconnecté, un contexte géopolitique très fragilisé, une globalisation des échanges et bon nombre d’innovations technologiques, les régulateurs idoines accompagnés des politiques de conformité adéquates pour se mettre en ordre de bataille ont été créés ou se sont renforcés. KYC (Know Your Customer) /AML (Anti Money Laundering), KYBP (Know Your Business Partner) …, autant d’acronymes apparus au cours de la dernière décennie, en même temps que la conformité et l’éthique des affaires. La démarche de l’AFA, dans le cadre de la loi Sapin II, qui privilégie l’approche par les risques, nous interpelle d’autant plus qu’elle renvoie la responsabilité de la lutte anti-corruption sur les acteurs entrant dans le périmètre de la loi.

Comme nous le rappelle sa préfacière, Dominique Houdayer, cet ouvrage sur « La gestion des risques financiers à l’export » est destiné à nous « aider à comprendre les règles, à les respecter et maîtriser au mieux les risques face à la complexification des affaires et l’inflation des normes ».

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